La chirurgie esthétique masculine

Le Botox® homme :

chirurgie esthétique homme

L’engouement pour la chirurgie esthétique homme, à commencer par le Botox®, se confirme chez les hommes. Leur objectif : avoir l’air frais.

Dr Sylvie POIGNONEC interrogée par Anne-Claire GENTHIALON - Libération next

Aux États-Unis, on parle déjà de « phénomène de société ». Signe incontestable de sa popularité, on a déjà trouvé un néologisme pour baptiser cette tendance : le « botox® », contraction entre« brother » (frère, mec) et botox®. Longtemps, on a cru les hommes guère concernés. Comme immunisés contre les complexes corporels et épargnés par les injonctions sociales sur le corps. Complètement désintéressés par toutes les procédures esthétiques. Laissant aux femmes, et à une poignée d’acteurs ou de présentateurs de télé, injections, interventions, liposuccions, produits de comblement et autres liftings.
Oui mais voilà, il y a la fameuse ride du lion, bien calée entre les deux yeux et qui donne un air sévère. Les paupières tombantes qui font un regard fatigué. Les sillons d’amertume autour de la bouche, le double menton, les pattes d’oie. Le visage qui perd en volume.

Tous ces signes du temps qui passent et qui marquent les mines. S’ils se sont tenus à bonne distance des cabinets de chirurgies et de médecines esthétiques, les hommes sont de plus en plus nombreux à venir squatter les consultations en quête d’une cure de jouvence express.

Les hommes n’ont certes pas attendu ces dernières années pour prendre soin d’eux. « Depuis une vingtaine d’années, on assiste à une androgynisation de l’esthétique du corps, relève Isabelle Queval, chercheur au Centre de recherche sur les liens sociaux (Cerlis/CNRS). Il y a un rapprochement des modes de vie féminin et masculin, les consommations se rapprochent. Cette tendance s’inscrit dans un discours général qui accentue l’importance du sport, de la santé avec des incitations de plus en plus nombreuses à s’entretenir, à montrer qu’on prend soin de soi. »

Chirurgie esthétique homme : La manne masculine

Chirurgie esthétique homme 1Selon les statistiques de l’American Society of Plastic Surgeons, le nombre d’interventions cosmétiques pour les hommes a ainsi augmenté de 273 % depuis 1997. En 2014, ils auraient fait l’objet de plus de 2,7 millions d’actes esthétiques. Ils représenteraient désormais presque 14 % du marché. « C’est une croissance relativement faible mais nous constatons désormais dans les consultations entre 12 et 20 % de clientèle masculine », note le docteur Benjamin Ascher, chirurgien plasticien et directeur scientifique du Congrès mondial de l’esthétique médicale et chirurgicale, Imcas. Dans le top 5 des chirurgies esthétiques effectuées en 2014, on trouve les rhinoplasties, les opérations des paupières, les liposuccions, des opérations de gynécomastie (ablation des seins) ou encore les opérations des oreilles décollées.

Mais à l’instar du secteur, les hommes sont de plus en plus portés sur la chirurgie esthétique homme, un ensemble de gestes n’impliquant ni anesthésie, ni bistouri, ni interruption des activités.

Et en tête de ces demandes, la championne incontestée reste l’injection de toxine botulique qui empêche les muscles à l’origine de la formation de rides de se contracter.

En seconde place, l’acide hyaluronique qui permet de combler les rides au niveau des « plis d’amertume et des sillons entourant les lèvres mais qui peut aussi combler des joues creusées ou regalber des pommettes.

Selon The American Society of Plastic Surgeons, le nombre d’hommes ayant reçu des injections a plus que quadruplé entre 2000 et 2014.Une demande croissante également constatée en France. « Il y a trente ans, je ne voyais pas d’hommes dans mon cabinet », constate Isabelle Rousseau, dermatologue lilloise. « Aujourd’hui, j’en ai un ou deux par jour ! ».

Chirurgie esthétique homme : le marketing ciblé

Allergan, le laboratoire pharmaceutique qui commercialise la toxine botulique sous le nom de Botox®, a annoncé en juin dernier partir à la conquête du marché masculin. Objectif espéré de Brent Saunders, PDG de la branche américaine : que les hommes représentent 20 à 25 % du marché de l’esthétique facial américain contre 13 % aujourd’hui. Pour les séduire, le laboratoire entend développer un marketing ciblé notamment en diffusant des publicités où figurent des hommes pour leur produit phare.

Une première. « Les hommes restent difficiles à atteindre. Contrairement aux femmes, ils ont une utilisation moindre de produits dermo-esthétiques et le passage à la chirurgie esthétique homme n’est pas encore une évidence », dit Philippe Mauvais, directeur de la division esthétique chez Allergan France. Mais la demande est de plus en plus importante, les soins et les produits de plus en plus adaptés. » Car la clientèle masculine du Botox® et autres injections de comblement est assez spécifique. « Les injections s’adressent préférentiellement aux sujets jeunes qui préfèrent ne pas en passer par la case chirurgie.

Elles ne sont pas dans la culture des hommes de plus de 50 ans », analyse le docteur Catherine de Goursac qui compte près de 20 % d’hommes dans sa patientèle. « Les hommes plus âgés ne vont pas vers la médecine esthétique, confirme son confrère Benjamin Ascher, ils ont directement recours au lifting et à la chirurgie des paupières qui sont devenues des interventions moins invasives, plus limitées dans les suites et dont les résultats sont entretenus par la toxine botulique et l’acide hyaluronique. »

Désormais décomplexée, la médecine pour hommes n’a plus rien d’« anormale ».

« ON N'AURAIT JAMAIS VU JEAN GABIN SE FAIRE DES INJECTIONS ! »

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Supplément Next Libération présente la chirurgie esthétique pour hommes en 4 pages

lance en riant le docteur Sylvie POIGNONEC, auteur de Faut-il être beau pour réussir ? (1). Mais aujourd’hui, les prix ont baissé, ce genre d’acte est plus abordable pour tout le monde et tend à se banaliser. Nos clients ont grandi avec l’idée qu’ils peuvent améliorer leur apparence et que celle-ci a un impact sur leur réussite professionnelle. »
Si nombre de clients des médecins esthétiques et des dermatologues ne recherchent pas le rajeunissement à tout prix, ils ne veulent surtout pas paraître « fatigués » ou montrer un visage crispé.

Rester « frais » et « compétitif » pour mieux aborder le monde du travail. « La beauté et la jeunesse passent parfois avant les diplômes et l’expérience », poursuit Sylvie POIGNONEC. « Les injections de Botox®, qui détendent le front permettent d’avoir l’air moins sévère, moins soucieux. Les retirer donne une image plus avenante, attractive pour les autres. » Et tous les secteurs d’activité sont touchés. Les médecins interrogés dans le cadre de cet article comptent dans leur patientèle aussi bien des informaticiens, des agriculteurs, des techniciens, que des écrivains…

Mais pour Bernard Andrieu, philosophe du corps, il n’y a pas de quoi se réjouir d’une démocratisation des injections en tout genre. « Désormais, les hommes, comme les femmes, sont censés avoir tous les moyens à leur disposition pour paraître plus jeunes, plus beaux, expose le chercheur. Le fait que les hommes rejoignent les femmes dans leur utilisation de la médecine esthétique ne fait que renforcer, prolonger les stéréotypes de la jeunesse, de l’entretien du corps. Qui pèsent désormais sur les deux genres au lieu de les faire évoluer. »

Source de l’article : L’engouement pour la chirurgie esthétique : Libération Next  № 74 ©
Crédit Photo : Fernando PINHEIRO MOS DEF en couverture du numéro Yasiin BEY

Le Dr. Sylvie POIGNONEC (1) Faut-il être beau pour réussir ? Co-écrit avec Marie-Pierre SAMITIER, éditions La Boîte à Pandore, 164 pages
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